- 10 juillet 2025
Trump invite l’Afrique pour les minerais, pas pour les peuples

Sommet USA–Afrique à Washington : Une diplomatie du deal au goût amer/ Du 9 au 11 juillet 2025, Donald Trump, fraîchement revenu à la Maison-Blanche, a convié cinq chefs d’État africains pour un mini-sommet à Washington. Une rencontre restreinte, ciblée, qui se veut une vitrine d’un nouveau partenariat transatlantique. Mais sous l’illusion du renouveau diplomatique se cache une réalité bien plus trouble : celle d’une diplomatie transactionnelle brutale, inégalitaire et porteuse de graves dérives.
Quand la géopolitique devient marché
Exit les discours sur le développement humain, la solidarité internationale ou les droits fondamentaux. Place à la logique du marché. Le sommet n’aura pas été un espace de dialogue global avec le continent africain, mais un salon VIP pour pays triés sur le volet — non pas selon des critères démocratiques, mais selon la richesse de leur sous-sol ou leur position stratégique sur la carte maritime.
Le Gabon, la Mauritanie ou la Guinée-Bissau ne sont pas venus négocier un avenir commun, mais monnayer leurs ressources naturelles contre des accords bilatéraux asymétriques. Derrière les mots « coopération économique » se cache une volonté claire : sécuriser pour les États-Unis un accès préférentiel au lithium, à l’uranium ou à la potasse. En retour ? Une promesse vague d’investissement et, surtout, un silence complaisant sur les dérives autoritaires.
Des régimes autoritaires confortés par Washington
Ce sommet interroge non seulement sur ses objectifs, mais aussi sur ses invités. Que penser d’un président américain qui tend la main à Brice Oligui Nguema, arrivé au pouvoir par un coup d’État au Gabon, ou à Umaro Sissoco Embaló, gouvernant par décret en Guinée-Bissau ? En les accueillant à la Maison-Blanche, Donald Trump leur offre une légitimité internationale, sans exiger la moindre contrepartie démocratique.
Cette tolérance aux régimes autoritaires n’est pas un accident. Elle s’inscrit dans une vision trumpienne du monde, où seuls comptent les intérêts immédiats — et où les droits humains deviennent une variable d’ajustement.
L’Afrique, terrain de jeu des puissances
En toile de fond, une rivalité mondiale. Les États-Unis cherchent à reprendre pied face à la Chine et à la Russie, plus actives ces dernières années sur le continent. Mais à quel prix ? Plutôt que de renforcer les institutions panafricaines ou d’appuyer une vision de développement concerté, Trump privilégie une logique du chacun pour soi. Résultat : une fragmentation diplomatique croissante, qui affaiblit la voix de l’Afrique dans le concert des nations.
Ni le Nigeria, ni l’Afrique du Sud, ni l’Union Africaine n’étaient conviés. Ce choix en dit long : le multilatéralisme est sacrifié sur l’autel du deal bilatéral. Et ce n’est pas un hasard si ce sommet s’est tenu dans le plus grand secret, sans déclaration finale conjointe ni engagements fermes.
Un tournant ou une régression ?
Certes, certains États africains y trouveront des avantages à court terme : investissements directs, accords commerciaux, soutien militaire. Mais à quel coût ? L’histoire du continent est pleine de contrats léonins et de dépendances structurelles. Et ce sommet n’a rien fait pour briser ce cycle. Au contraire, il en porte les germes : retour à une économie extractive, marchandage sécuritaire, absence totale de vision écologique ou sociale.
Pire encore, la fermeture de l’USAID et la réduction de l’aide publique américaine risquent de fragiliser les sociétés civiles africaines, les ONG, les défenseurs des droits humains. Ce sont les voix critiques, les forces progressistes, qui en paieront le prix.
L’Afrique mérite mieux qu’une diplomatie d’opportunisme
Le mini-sommet de Washington ne constitue pas un tournant diplomatique : c’est un pas en arrière. Il ne reflète pas un respect nouveau pour l’Afrique, mais une instrumentalisation opportuniste de ses ressources et de sa position stratégique. C’est une diplomatie du mépris, fondée sur la négation des peuples, des luttes sociales et des aspirations démocratiques.
L’Afrique a besoin d’alliés, pas de prédateurs éclairés. Elle a besoin d’une coopération fondée sur la justice, la souveraineté populaire et la transformation économique locale — pas sur le pillage moderne à peine masqué par le vernis de la « coopération ».
Ce sommet pose une question cruciale : voulons-nous continuer à regarder le continent africain comme une mine à ciel ouvert ? Ou serons-nous capables, à gauche, de porter un autre regard — solidaire, politique, profondément humain — sur ce que doit être une relation internationale juste ?