L’éclatement était prévisible, il est désormais officiel : Ahoua Don Mello, ancien fidèle de Laurent Gbagbo, s’est déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2025, bravant la ligne du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI). En réponse immédiate, le parti de Gbagbo a annoncé l’exclusion formelle de Don Mello de ses rangs. Cette décision marque une cassure irréversible au sein de la gauche ivoirienne et révèle des ambitions politiques désormais inconciliables.
Une candidature de rupture : Don Mello franchit le Rubicon
Le 1er août 2025, dans une déclaration solennelle, Ahoua Don Mello a officialisé sa candidature à la présidentielle, affirmant vouloir « réconcilier la souveraineté nationale avec le panafricanisme moderne, au service des peuples africains ». Cette candidature indépendante est une déflagration politique, qui vient remettre en cause le leadership quasi-incontesté de Laurent Gbagbo sur l’électorat souverainiste.
Dans son discours, Don Mello a dénoncé une « opposition ivoirienne figée dans le passé », appelant à une « refondation du combat panafricain » sur des bases économiques, structurelles et diplomatiques renouvelées. Sans jamais citer Gbagbo nommément, il a pointé la fatigue idéologique du PPA-CI et la nécessité de dépasser les clivages hérités des années 2000.
Le PPA-CI réagit avec fermeté : exclusion immédiate et condamnation morale
Quelques heures après l’annonce, la direction nationale du PPA-CI a publié un communiqué sans ambiguïté : Ahoua Don Mello est exclu du parti pour « indiscipline grave et trahison de la ligne politique ». Le texte souligne que « nul ne peut se revendiquer du combat de Laurent Gbagbo tout en le défiant publiquement ». Cette exclusion formelle acte une rupture politique définitive entre l’ex-ministre et l’ancien président.
Le camp Gbagbo accuse Don Mello de « surenchère intellectuelle » et de « dérive égocentrique », insinuant que sa candidature affaiblirait la résistance face au régime en place, en divisant les voix de l’opposition. Certains cadres du PPA-CI n’hésitent pas à parler d’une « trahison stratégique au service du pouvoir », suggérant une possible instrumentalisation de cette candidature par le camp présidentiel.
Un choc des visions : technocratie panafricaine contre héritage militant
La rupture entre Gbagbo et Don Mello est l’aboutissement d’un long désaccord stratégique. Alors que Gbagbo s’appuie sur une mémoire politique militante, Don Mello incarne une nouvelle génération d’acteurs politiques formés aux enjeux continentaux, aux défis multipolaires, et à la géoéconomie moderne.
Pour Don Mello, la lutte politique ne peut plus se limiter à la dénonciation de l’impérialisme occidental. Il propose un programme articulé autour de l’autonomie industrielle, de la réforme monétaire, de la souveraineté énergétique et de la diplomatie Sud-Sud. Il reproche à Gbagbo une absence de projection, une obsession du passé et une approche fermée à l’innovation doctrinale.
Une campagne présidentielle sous tension : vers un duel fratricide ?
Avec cette déclaration de candidature, la présidentielle de 2025 s’annonce comme un terrain de recomposition profonde de la gauche ivoirienne. Même si Gbagbo n’a pas encore officialisé sa propre candidature, tout laisse à penser qu’il se présentera pour défendre l’héritage de la lutte souverainiste.
La candidature de Don Mello, si elle reste encore minoritaire dans les intentions de vote, bénéficie déjà du soutien d’une partie de la jeunesse instruite, de la diaspora panafricaine et de nombreux technocrates frustrés par les partis traditionnels. Il pourrait capter une part significative des voix de l’opposition réformiste, surtout dans les milieux urbains et universitaires.
Une recomposition politique en marche : au-delà du PPA-CI et du RHDP
Cette fracture pourrait catalyser une recomposition plus large de l’espace politique ivoirien. De nombreux jeunes cadres politiques, longtemps restés en marge des appareils partisans, voient en Don Mello une alternative crédible à la vieille garde. Sa posture d’ »opposant autonome », ni soumis à Gbagbo, ni proche du pouvoir en place, séduit.
D’un autre côté, cette dynamique peut aussi accélérer l’implosion du PPA-CI, fragilisé par les luttes de clans internes, l’absence de renouvellement générationnel et la difficulté à réconcilier mémoire historique et enjeux contemporains. Des figures comme Dano Djédjé ou Assoa Adou peinent à maintenir l’unité du parti.
Un programme ambitieux pour une nouvelle Afrique
Dans son projet présidentiel, Don Mello propose plusieurs axes forts :
- Création d’un Fonds Souverain de Transition Écologique, financé par la taxation des exportations minières ;
- Indépendance énergétique par l’hydroélectricité, le solaire et la géothermie ;
- Réforme du système éducatif axée sur les sciences, la technologie et la culture endogène ;
- Nouvelle diplomatie africaine, avec un axe stratégique entre l’Afrique, l’Amérique latine et les BRICS ;
- Démocratisation des entreprises publiques par la participation des citoyens et des collectivités locales.
Ce programme ambitionne de faire de la Côte d’Ivoire un modèle de gouvernance souveraine et innovante pour l’Afrique de demain.
Conclusion : l’heure du choix pour la gauche ivoirienne
La candidature d’Ahoua Don Mello est bien plus qu’un acte d’indiscipline politique. Elle marque l’entrée en scène d’un nouveau paradigme : celui d’une gauche panafricaniste structurée, technocratique, moderne et connectée aux réalités du XXIᵉ siècle. Face à lui, Gbagbo incarne la légitimité historique, la mémoire et la loyauté des anciennes luttes.
Le duel qui s’annonce pour 2025 ne sera pas seulement un combat d’hommes, mais un référendum idéologique sur l’avenir politique de la Côte d’Ivoire. Entre mémoire et modernité, passé et avenir, souveraineté émotionnelle ou souveraineté structurelle, le peuple devra trancher.
Lire aussi : Candidature d’Alassane Ouattara pour 2025, risques de fracture nationale
Laisser un commentaire