À l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025, la Côte d’Ivoire se trouve à la croisée des chemins : comment garantir un espace numérique sain sans compromettre les libertés fondamentales ? La prolifération des fake news, amplifiée par les réseaux sociaux, représente une menace directe pour la démocratie, la cohésion sociale et la sécurité nationale.
Une menace numérique en pleine expansion
Avec plus de 20 millions d’internautes en 2024, la Côte d’Ivoire est l’un des pays les plus connectés d’Afrique de l’Ouest. Cette connectivité, bien qu’utile pour l’accès à l’information, a aussi ouvert la porte à une vague de désinformation. Les rumeurs, les discours de haine et les manipulations politiques circulent à une vitesse fulgurante, notamment via WhatsApp, Facebook et TikTok.
En période électorale, les fake news prennent une ampleur particulière : accusations de corruption, fausses listes électorales, rumeurs sur des interventions militaires étrangères… autant de contenus viraux qui attisent les tensions.
Réponse gouvernementale : lois et sanctions
Face à cette menace, le gouvernement ivoirien a renforcé son arsenal juridique. Un projet de loi sur la cybersécurité prévoit des sanctions sévères contre la diffusion intentionnelle de fausses nouvelles : jusqu’à 3 ans de prison et 50 millions de FCFA d’amende. Les plateformes numériques seront tenues de supprimer rapidement les contenus identifiés comme faux par une unité spécialisée.
La Commission électorale indépendante (CEI) a également mis en place une cellule de fact-checking pour répondre aux accusations virales et rétablir la vérité.
Intelligence artificielle : alliée ou menace ?
L’essor de l’intelligence artificielle ajoute une couche de complexité. Les deepfakes, ces vidéos ou images manipulées, rendent la détection des fake news plus difficile. Mais l’IA peut aussi être utilisée pour vérifier rapidement les faits, traquer les contenus trompeurs et automatiser les alertes.
Le défi est donc de réguler l’usage de l’IA sans freiner l’innovation.
L’ANSSI : bouclier national contre la cybercriminalité
Créée en 2023, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) est au cœur de la riposte. En 2024, elle a traité plus de 12 100 affaires de cybercriminalité, allant de l’usurpation d’identité à la désinformation organisée.
Son Centre de lutte informationnel identifie les fake news en temps réel et collabore avec les plateformes pour les supprimer. En période électorale, l’ANSSI est en alerte maximale, capable de démentir une rumeur en moins de cinq minutes.
Défis internationaux : la souveraineté numérique en question
Une grande partie des fake news provient de l’étranger, ce qui complique les poursuites judiciaires. Les coopérations internationales sont souvent lentes, et certains pays refusent d’extrader leurs ressortissants ou de juger les infractions numériques.
Le gouvernement ivoirien tente de dialoguer avec les géants du numérique pour obtenir la suppression des contenus nuisibles, mais les résultats sont mitigés.
Sensibilisation et éducation : une approche citoyenne
Au-delà de la répression, la Côte d’Ivoire mise sur la prévention. Des campagnes comme “Tous Responsables” encouragent les citoyens à vérifier les sources avant de partager une information. Des ateliers de formation sont organisés dans les écoles, les universités et les lieux de culte pour renforcer l’éducation aux médias.
Le projet BLOC Anti-Fake, lancé en mars 2025, regroupe plusieurs plateformes de fact-checking africaines et propose une application mobile pour signaler les fake news et accéder à une bibliothèque éducative.
Liberté d’expression : entre vigilance et inquiétude
Si la lutte contre la désinformation est saluée, certains défenseurs des droits numériques s’inquiètent d’un possible abus de pouvoir. L’ONG CyberLiberté alerte sur le risque de censure déguisée : qui décide de ce qui est vrai ou faux ?
Le débat est vif, surtout depuis l’adoption en 2019 d’une loi sur la presse jugée restrictive. Trouver un équilibre entre sécurité et liberté reste un défi majeur.
Un combat multidimensionnel
La lutte contre les fake news en Côte d’Ivoire ne peut se limiter à une approche punitive. Elle exige une stratégie globale, mêlant régulation, innovation technologique, coopération internationale et mobilisation citoyenne. Dans un contexte électoral tendu, chaque acteur – gouvernement, médias, plateformes, citoyens – a un rôle à jouer pour préserver la vérité, la paix et la démocratie.
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