Abidjan, 29 juillet 2025. Le président ivoirien Alassane Ouattara a confirmé sa candidature (pour un quatrième mandat) à l’élection présidentielle prévue pour le 25 octobre prochain. Une annonce qui, au-delà des acclamations de ses partisans, soulève de nombreuses interrogations et ravive les souvenirs encore douloureux d’une nation marquée par les séquelles de la crise post-électorale de 2010–2011. Alors que le pays se prépare à une nouvelle joute électorale, cet article propose une analyse approfondie des implications politiques, juridiques et sociales de cette candidature controversée.
Un cadre juridique en tension
La Constitution de 2016, adoptée sous le gouvernement Ouattara, stipule que le président ne peut effectuer que deux mandats. Or, le chef de l’État en est techniquement à son troisième mandat, entamé en 2020 après une réélection dans un climat déjà tendu. Le camp présidentiel soutient que la Constitution actuelle, promulguée après ses deux premiers mandats, a « remis le compteur à zéro ».
Ce raisonnement juridique divise : tandis que les partisans du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) y voient une légitimité indiscutable, l’opposition crie au détournement légal.
Le Conseil constitutionnel devrait trancher ce débat. Mais dans un contexte de suspicion généralisée et de contrôle institutionnel perçu par les opposants, cette décision pourrait être politiquement interprétée comme une validation du pouvoir en place.
Une opposition fragmentée mais vigilante
Le paysage politique ivoirien reste dominé par des figures historiques telles que Laurent Gbagbo, revenu sur la scène après son acquittement par la CPI, Guillaume Soro, exilé, et Simone Gbagbo, reconvertie en actrice politique indépendante.
Cependant, les dissensions internes et les divergences stratégiques affaiblissent toute tentative d’unité de l’opposition. Malgré cette fragmentation, le rejet de la candidature de Ouattara pourrait susciter un sursaut collectif, comme en témoigne la tentative de marche « Trop c’est trop ! », récemment interdite par les autorités. L’annulation officielle, invoquant l’insuffisance du dispositif sécuritaire, laisse entrevoir une dérive préoccupante vers la restriction des libertés publiques.
Les risques d’un embrasement politique
La Côte d’Ivoire n’a pas totalement guéri des blessures laissées par la crise de 2010, qui fit plus de 3 000 morts. Les lignes de fracture ayant alimenté cette violence persistent, bien que sous des formes plus feutrées.
1. Tensions ethno-politiques
La division Nord-Sud reste palpable : le Nord, bastion traditionnel de Ouattara, et le Sud, plus favorable à ses opposants. Si cette polarisation glisse vers des discours communautaires, elle pourrait exacerber les tensions identitaires.
2. Exclusion électorale
Certains candidats potentiels, à forte popularité comme Guillaume Soro (GPS), Tidjane Thiam (PDCI-RDA), Laurent Gbagbo (PPA-CI) sont écartés de la course, pour des raisons judiciaires ou administratives contestées. Ces exclusions seraient perçues comme un verrouillage du jeu démocratique.
3. Répression des mobilisations
La multiplication des interdictions de rassemblements, la surveillance des réseaux sociaux et les arrestations ciblées alimentent un climat de frustration, notamment dans les zones urbaines à forte densité démographique.
Une situation socio-économique ambivalente
Sur le plan macroéconomique, la Côte d’Ivoire affiche une croissance soutenue, portée par le cacao, les infrastructures et les investissements étrangers. Toutefois, cette dynamique masque des réalités plus contrastées : les inégalités persistent, le chômage des jeunes demeure élevé, et une élite politico-économique concentre l’essentiel des richesses.
La jeunesse urbaine, souvent écartée des processus décisionnels, pourrait jouer un rôle imprévisible dans la campagne électorale. Active sur les réseaux sociaux, elle pourrait aussi descendre dans la rue, rendant la situation potentiellement explosive.
Scénarios possibles
À quelques mois du scrutin, plusieurs scénarios sont envisageables :
Scénario | Description | Probabilité |
---|---|---|
Élection apaisée | Candidature validée, opposition divisée, victoire du RHDP | Moyenne |
Crise politique | Rejet du processus, manifestations, répression | Élevée |
Conflit localisé | Émeutes dans certains quartiers, répression sécuritaire ciblée | Faible à modérée |
Transition négociée | Retrait de Ouattara au profit d’un dauphin consensuel | Faible |
Le scénario d’une passation de pouvoir volontaire vers un successeur désigné au sein du RHDP, bien que peu probable, ne peut être totalement écarté. Il nécessiterait cependant une volonté politique rare dans le contexte ivoirien.
Une responsabilité partagée
Les leaders politiques portent une lourde responsabilité dans cette phase cruciale. Le président Ouattara, fort de son expérience, pourrait choisir la voie de l’honneur en garantissant une alternance pacifique. L’opposition, quant à elle, doit éviter les discours incendiaires et privilégier une stratégie cohérente et pacifique.
Mais la stabilité du pays dépend aussi des citoyens. L’éveil démocratique, la mobilisation pacifique, le rôle des médias et la transparence institutionnelle seront déterminants pour préserver la paix.
En conclusion, la candidature d’Alassane Ouattara dépasse le simple débat constitutionnel : elle interroge la maturité démocratique, la capacité de résilience et la volonté de réconciliation nationale.
La guerre n’est jamais une fatalité. Elle devient possible lorsque le pouvoir s’éloigne du peuple et oublie que gouverner, c’est servir. Puisse cette élection être celle du choix de la paix, de la justice et de la transmission responsable du pouvoir.
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