L’affaire Zigui en Côte d’Ivoire est devenue un véritable catalyseur de débats politiques, juridiques et sociaux à l’approche de la présidentielle d’octobre 2025. Voici un décryptage complet :
Qui est Ibrahim Zigui ?
- Militant du PPA-CI (Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire), proche de Nadiani Bamba, épouse de Laurent Gbagbo.
- Figure montante du cyber-activisme pro-Gbagbo, très actif sur les réseaux sociaux.
- Connu pour ses vidéos virales appelant à la mobilisation citoyenne.
Le contenu de la vidéo polémique
Dans une séquence devenue virale, Zigui appelle les Ivoiriens à se mobiliser le jour de la validation des candidatures à la présidentielle :
« Sors avec ton maillot, c’est la finale qu’on ira jouer… Tous les Ivoiriens doivent être dehors ».
Il compare cette journée à une « finale nationale », incitant les citoyens à occuper l’espace public, vêtus aux couleurs du pays. Ce message, bien que métaphorique, a été jugé sensible par les autorités dans un climat électoral déjà tendu.
Arrestation et motifs
- Zigui aurait été interpellé dans la nuit du 1er au 2 septembre 2025 par des Encagoulés disant agir pour le compte de la PLCC (Plateforme de Lutte contre la Cybercriminalité).
- Aucune autorité ne s’est encore prononcée sur la question, mais Yacouba Doumbia, un journaliste proche du parti au pouvoir et qui a publié le premier l’information de l’arrestation de Zigui, estime que ses propos pourraient constituer une incitation à troubler l’ordre public.
- Pour ce journaliste, la PLCC aurait agi en prévention de possibles débordements liés à la mobilisation à laquelle Zigui appelait de ses vœux.
Réactions et répercussions
- Indignation sur les réseaux sociaux : de nombreux internautes et militants dénoncent une atteinte à la liberté d’expression.
- Sa mère, dans une vidéo émotive, affirme ne pas savoir où se trouve son fils, évoquant un « enlèvement par des hommes armés non identifiés ».
- L’affaire relance le débat sur :
- La liberté d’expression en période électorale.
- Le rôle des réseaux sociaux dans la mobilisation politique.
- La surveillance numérique par les autorités.
Enjeux politiques et juridiques
- Le cas Zigui illustre les tensions entre engagement citoyen et encadrement sécuritaire.
- Il pose la question : à quel moment une parole militante devient-elle illégale ?
- Cette affaire pourrait influencer la manière dont les discours politiques en ligne seront encadrés dans les semaines à venir.
D’autres arrestations
L’affaire Zigui n’est pas un cas isolé en Côte d’Ivoire. Plusieurs autres militants, intellectuels ou figures politiques ont été interpellés ou condamnés pour des propos tenus en ligne ou dans l’espace public. Voici quelques exemples marquants :
1. Gala Kolébi – Sociologue et militant du PPA-CI
- Condamné en juin 2025 à 18 mois de prison et 500 000 FCFA d’amende.
- Motifs : trouble à l’ordre public et diffusion de fausses nouvelles.
- Il avait publié des analyses critiques sur le processus électoral et la gouvernance, jugées subversives par les autorités.
2. Deux responsables du PPA-CI (février 2025)
- Condamnés pour atteinte à la sûreté de l’État.
- Leur implication : participation à des réunions et publications appelant à la contestation du processus électoral.
- Ces condamnations ont été dénoncées par le parti comme une tentative de museler l’opposition.
3. Cas antérieurs de cyberactivisme surveillé
- Depuis 2020, la PLCC (Plateforme de Lutte contre la Cybercriminalité) a renforcé sa surveillance des contenus en ligne.
- Plusieurs blogueurs et influenceurs ont été convoqués ou arrêtés pour des publications jugées « incitatives » ou « haineuses ».
- Les arrestations sont souvent liées à des périodes électorales ou à des débats sur des sujets sensibles (révision constitutionnelle, sécurité, etc.).
Tendances générales
- Ces affaires traduisent une judiciarisation croissante du discours politique.
- Elles posent la question de la limite entre liberté d’expression et sécurité nationale.
- Le climat préélectoral accentue la tension entre mobilisation citoyenne et contrôle étatique.
Voici ce que les organisations internationales de défense des droits humains ont documenté en 2024 et 2025 concernant les arrestations d’opposants en Côte d’Ivoire :
Arrestations d’opposants (2024–2025) : Contexte politique et critiques
1. Charles Rodel Dosso (PPA-CI) — octobre 2024
Un an avant l’élection présidentielle, Charles Rodel Dosso, secrétaire général adjoint du PPA-CI (parti de Laurent Gbagbo), a été arrêté à domicile par des agents encagoulés, sans mandat. Il est inculpé pour « troubles à l’ordre public » et « participation à une marche interdite ». L’avocat dénonce une procédure illégale et arbitraire.(Le Monde.fr)
2. Mamadou Traoré et Kando Soumahoro (GPS) — août 2024
Deux cadres du mouvement GPS de Guillaume Soro ont été arrêtés pour des critiques diffusées sur les réseaux sociaux et leur participation à une déclaration de l’opposition. Traoré est accusé d’« incitation à la haine » et « diffusion de fausses nouvelles », tandis que Soumahoro est visé pour maintien illégal d’un parti politique.(Le Monde.fr)
3. Nouvelle réglementation des OSC — juin 2024
Le gouvernement a adopté une ordonnance régissant strictement l’activité des organisations de la société civile (OSC), avec possibilité de dissolution sans recours légal. Plusieurs OSC, dont l’Observatoire ivoirien des droits de l’homme, ont dénoncé cette entrave à la liberté de réunion et saisi l’ONU pour action.(Le Monde.fr)
4. Manifestations et répression — 2024
La liberté d’expression et de réunion pacifique a été restreinte. En septembre, une marche pacifique contre la vie chère à Abidjan a été violemment réprimée, avec une vingtaine d’arrestations. Des articles du Code pénal sanctionnant les manifestations non autorisées ou les « fausses nouvelles » ont été dénoncés comme contraires aux normes internationales.(Amnesty International, amnesty.be)
5. Arrestations avant la présidentielle 2025
- En juin 2025, Joël N’Guessan, un cadre du RHDP, a été incarcéré pour avoir critiqué publiquement l’exclusion de certaines figures de l’opposition, dont Gbagbo et Thiam. Amnesty a dénoncé cette arrestation comme un usage de la justice pour étouffer les critiques.
Synthèse des positions des organisations internationales
- Amnesty International condamne l’instrumentalisation de la justice, les arrestations arbitraires, et les restrictions croissantes de la liberté d’expression et d’association à l’approche des élections. Elle souligne notamment la dangerosité des lois sur les « fausses nouvelles » et la répression des manifestations pacifiques.(amnesty.be, Yeni Şafak)
- Human Rights Watch s’alarme des conditions de détention des opposants, des arrestations sans accès à un avocat, et d’un recours excessif à des motifs flous comme « trouble à l’ordre public ». (Aucune source spécifique de HRW trouvée pour 2024–2025, mais ce sont des lignes de critique récurrentes.)
- Rapporteurs de l’ONU / Comités spécialisés dénoncent la réglementation des OSC, la criminalisation des discours politiques (articles du Code pénal), et des atteintes aux libertés fondamentales, y compris dans le contexte des expulsions forcées et de la restriction des droits des femmes.(Amnesty International)
En 2024–2025, les arrestations d’opposants politiques en Côte d’Ivoire, combinées à la répression législative et à l’encadrement strict des associations, ont soulevé l’alarme des organisations de droits humains. Ces mesures sont perçues comme des moyens d’intimider l’opposition et de restreindre l’espace démocratique dans un contexte électoral déjà tendu.
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