Le 1er septembre 2025, l’Assemblée législative de transition du Burkina Faso a adopté une loi qui criminalise les relations homosexuelles consensuelles entre adultes. Cette disposition, intégrée au nouveau Code des personnes et de la famille, marque un tournant juridique et politique dans un pays qui, jusqu’alors, ne sanctionnait pas explicitement les pratiques homosexuelles. Elle suscite une vive inquiétude parmi les défenseurs des droits humains, tout en révélant les tensions profondes entre valeurs culturelles locales, pressions politiques et engagements internationaux.
La loi a été adoptée à l’unanimité par les 71 membres de l’Assemblée législative de transition, organe non élu mis en place après le coup d’État militaire de septembre 2022. Le capitaine Ibrahim Traoré, chef de la junte, détient le pouvoir exécutif depuis l’éviction de Paul-Henri Damiba, lui-même arrivé au pouvoir après avoir renversé le président Roch Marc Christian Kaboré.
Selon le ministre de la Justice, Edasso Rodrigue Bayala, cette réforme vise à « moderniser le droit de la famille » et à « répondre aux aspirations profondes de notre société », en affirmant un respect des « valeurs culturelles nationales ». La loi prévoit des peines de deux à cinq ans d’emprisonnement et des amendes pour toute personne reconnue coupable de « pratiques homosexuelles ou assimilées ». Les étrangers récidivistes pourraient être expulsés.
Contrairement à de nombreux pays africains, le Burkina Faso n’avait pas hérité d’un code pénal colonial interdisant la sodomie. Jusqu’à présent, les relations homosexuelles entre adultes consentants n’étaient pas explicitement criminalisées. Cette nouvelle disposition introduit donc une rupture significative dans le droit burkinabè, en alignant le pays sur une tendance régionale de durcissement des lois contre les minorités sexuelles.
La loi s’inscrit dans une réforme plus large du Code des personnes et de la famille, qui redéfinit également les conditions d’accès à la nationalité burkinabè par mariage, reconnaît les mariages religieux et coutumiers, et fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans pour tous, avec consentement mutuel.
Amnesty International, Human Rights Watch et d’autres organisations ont dénoncé cette loi comme une atteinte grave aux droits fondamentaux. Marceau Sivieude, directeur régional d’Amnesty pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, a déclaré que cette mesure « viole le droit à l’égalité devant la loi » et contrevient aux engagements internationaux du Burkina Faso, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Human Rights Watch a souligné que cette loi « favorise la violence et les abus à l’encontre des personnes LGBT », en légitimant la stigmatisation et la répression. Elle intervient dans un climat de rétrécissement de l’espace civique, marqué par la répression des médias, de l’opposition politique et des mouvements sociaux.
Le Burkina Faso rejoint ainsi plus de la moitié des pays africains qui criminalisent l’homosexualité. Des États comme le Sénégal, l’Ouganda et le Malawi disposent de lois sévères, parfois héritées de l’époque coloniale. En mai 2023, l’Ouganda a adopté une loi encore plus radicale, l’Anti-Homosexuality Act, qui prévoit la peine de mort pour les cas dits « d’homosexualité aggravée ».
À l’inverse, certains pays africains ont amorcé une évolution juridique plus inclusive. L’Afrique du Sud, le Botswana, l’Angola et la Namibie ont décriminalisé les relations homosexuelles et adopté des mesures de protection. Des décisions judiciaires récentes dans ces pays ont affirmé que la criminalisation viole les droits à la vie privée et à la non-discrimination.
Les autorités burkinabè justifient cette loi par la volonté de préserver les « valeurs sociales et culturelles » face à ce qu’elles perçoivent comme des influences étrangères. Ce discours s’inscrit dans une rhétorique de rejet de l’Occident, fréquente dans les régimes militaires africains en quête de légitimité populaire.
Nous vous recommandons aussi: article