Le 8 septembre 2025, le Conseil constitutionnel ivoirien a officiellement rejeté les candidatures de deux figures majeures de l’opposition : l’ancien président Laurent Gbagbo et l’ex-patron du PDCI, Tidjane Thiam. Les motifs invoqués sont leur radiation de la liste électorale : Gbagbo pour une condamnation judiciaire, Thiam pour des questions de nationalité. Ce rejet intervient dans un climat politique déjà tendu, à l’approche d’une présidentielle où le président sortant Alassane Ouattara brigue un quatrième mandat.
Conséquences politiques
– Affaiblissement de l’opposition structurée : Le PPA-CI et le PDCI, deux piliers historiques de l’opposition, se retrouvent sans candidats officiels. Cela fragilise leur capacité à mobiliser et à peser dans le débat démocratique.
– Concentration du pouvoir : La validation de la candidature d’Alassane Ouattara renforce l’idée d’un pouvoir centralisé, avec une opposition morcelée et affaiblie.
– Risque de boycott ou de contestation : Comme en 2020, une partie de l’opposition pourrait appeler à boycotter le scrutin ou à contester sa légitimité, ce qui pourrait raviver les tensions post-électorales.
– Réactivation des alliances informelles : Gbagbo a déjà entamé des rencontres avec Affi N’Guessan, le PDCI et le GPS de Guillaume Soro, suggérant une tentative de recomposition de l’opposition en dehors des institutions.
Conséquences sociales
– Frustration populaire : Une partie de la population, notamment les militants du PPA-CI et du PDCI, perçoit ces exclusions comme une atteinte à leur droit de choisir librement leur président.
– Montée des tensions communautaires : Les clivages politiques en Côte d’Ivoire sont souvent corrélés à des appartenances régionales ou ethniques. L’exclusion de figures emblématiques peut raviver ces fractures.
– Mobilisation citoyenne : Des mouvements de protestation pacifique ou des appels à la réforme du système électoral pourraient émerger, portés par la société civile.
Conséquences économiques
– Climat d’incertitude : L’instabilité politique pourrait décourager les investissements étrangers, notamment dans les secteurs clés comme l’agro-industrie, les infrastructures et les télécoms.
– Risque de ralentissement économique : En cas de troubles post-électoraux, les activités économiques pourraient être perturbées, affectant la croissance et l’emploi.
– Pression sur les finances publiques : La gestion sécuritaire d’un climat tendu mobilise des ressources budgétaires importantes, au détriment des investissements sociaux.
Analyse régionale : Côte d’Ivoire et Afrique de l’Ouest
Pour la Côte d’Ivoire
– Crise de légitimité démocratique : L’exclusion de figures majeures renforce l’idée d’une démocratie verrouillée, où les institutions sont perçues comme instrumentalisées.
– Défi de la cohésion nationale : Le pays peine à tourner la page des divisions post-crise de 2010. Ce rejet pourrait cristalliser les rancœurs et freiner les efforts de réconciliation.
– Réforme institutionnelle urgente : Le système de parrainage et les critères d’éligibilité sont remis en question. Une réforme profonde est nécessaire pour restaurer la confiance.
Pour l’Afrique de l’Ouest
– Effet domino démocratique : Ce rejet s’inscrit dans une tendance régionale où plusieurs chefs d’État prolongent leur mandat au-delà des limites constitutionnelles (Guinée, Togo, etc.).
– Affaiblissement de la CEDEAO : L’organisation régionale peine à imposer des standards démocratiques clairs. Son silence ou son inaction pourrait être interprété comme une complicité.
– Risque de contagion politique : D’autres pays pourraient s’inspirer de ce modèle d’exclusion pour neutraliser leurs opposants, affaiblissant davantage les démocraties naissantes.
Le rejet des candidatures de Gbagbo et Thiam n’est pas un simple épisode juridique : c’est un tournant politique majeur. Il redéfinit les équilibres internes, fragilise le contrat social et projette une ombre sur la crédibilité démocratique de la Côte d’Ivoire. Pour éviter une nouvelle crise, il est impératif que les acteurs politiques, la société civile et les partenaires internationaux s’engagent dans un dialogue inclusif et sincère.
Pour qu’un dialogue inclusif et sincère en Côte d’Ivoire soit véritablement porteur de paix et de stabilité, il doit reposer sur une architecture claire, équilibrée et crédible. Voici une proposition de structure, inspirée des appels récents de leaders politiques comme Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, ainsi que des recommandations de la coalition CAP CI :
1. Cadre institutionnel neutre
- Organisme indépendant pour piloter le dialogue (ex. : comité mixte composé de représentants de l’opposition, du pouvoir, de la société civile, et de médiateurs internationaux).
- Garantie de transparence : publication des comptes rendus, accès aux médias, observateurs internationaux.
2. Participants représentatifs
- Tous les partis politiques, y compris ceux dont les leaders sont exclus du processus électoral.
- Société civile : ONG, syndicats, associations religieuses et communautaires.
- Jeunesse et femmes : souvent marginalisées, elles doivent avoir une voix active.
- Chefferies traditionnelles et leaders religieux : pour leur rôle de médiation et de légitimation.
3. Agenda clair et consensuel
Voici quelques points essentiels à inscrire à l’ordre du jour :
Thème | Objectif |
---|---|
Réforme de la CEI | Rendre la Commission électorale véritablement indépendante |
Révision de la liste électorale | Réintégrer les leaders radiés et garantir l’inclusivité |
Justice transitionnelle | Traiter les contentieux post-crise et les condamnations politiques |
Libertés politiques | Garantir le droit de manifester, de s’exprimer et de se réunir |
Réformes constitutionnelles | Clarifier les règles de succession et de limitation des mandats |
4. Garantie de bonne foi
- Engagement écrit des parties à respecter les conclusions du dialogue.
- Mécanisme de suivi : comité de mise en œuvre avec calendrier et indicateurs.
- Mesures de confiance : libération de prisonniers politiques, levée des sanctions, retour des exilés.
5. Appui régional et international
- Implication de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’ONU pour garantir la neutralité et la pression diplomatique.
- Médiateurs reconnus : personnalités africaines respectées, comme des anciens chefs d’État ou des juges internationaux.
Un dialogue inclusif et sincère ne peut être un simple exercice de façade. Il doit être structuré, transparent et contraignant, avec des résultats concrets. C’est la seule voie pour restaurer la confiance, éviter une nouvelle crise électorale, et offrir à la Côte d’Ivoire une chance réelle de réconciliation durable.
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